Journée d’études interdisciplinaire : « Les pratiques corporelles »

Journée d’études interdisciplinaire : « Les pratiques corporelles »

Le 10 juin 2016 le programme STARACO, le CRHIA, l'ED SCE, l'Université de Nantes, le Laboratoire junior EIRALC, l'ENS de Lyon le laboratoire LCE et l'Université Lumière Lyon 2 organiseront à Nantes dans la salle du conseil une journée d’études interdisciplinaire sur « Les pratiques corporelles : des prismes pour étudier la construction des rapports de pouvoir en Amérique latine et dans les Caraïbes ».

Le laboratoire junior EIRALC propose, pour sa deuxième journée d’études, de réfléchir aux rapports de pouvoir en Amérique latine et dans les Caraïbes à travers le prisme du corps. Les « techniques du corps » (MAUSS, 1936), les gestes de la vie quotidienne et du travail, les attitudes, les violences physiques, les usages vestimentaires, les tatouages, les scarifications, la consommation d’un certain type de nourriture ou encore de substances psychotropes et bien d’autres pratiques peuvent permettre de mieux comprendre les sociétés latino-américaines et caribéennes de la conquête à nos jours. Il s’agit en particulier d’appréhender la façon dont les individus et les groupes, par leurs pratiques corporelles, se positionnent et réagissent face à un pouvoir ou l’exercent. Ce sera l’occasion d’examiner des enjeux tant conceptuels que méthodologiques.

    D’une part, analyser les différentes modalités de confrontation avec le pouvoir permet de réfléchir aux outils conceptuels forgés par les sciences humaines et sociales. EIRALC souhaite approfondir la question des résistances, en envisageant la diversité de leurs formes mais aussi en pointant les limites de cette catégorie. Le détour par d’autres concepts – répertoire d’actions, hybridation, accommodation, réappropriation, contre-acculturation, etc. – permettra notamment d’envisager des situations qui échappent à l’opposition binaire consentement/résistance. Ainsi le corps peut être étudié comme un vecteur et pas seulement comme un instrument du pouvoir ; le corps n’est pas que le produit de rapports de force, mais l’agent qui contribue à leur production (LECERCLE, 2006). C’est pourquoi le corps sera envisagé comme “récepteur de processus constitutifs”, et comme sujet actif qui détermine des normes (HERRING TORRES, 2008). Nombre de travaux récents insistent sur la nécessité de penser la question du biopolitique comme l’un des cadres d’analyse fondamentaux des rapports de pouvoir dans l’Amérique latine et les Caraïbes (PEDRAZA GOMEZ, 2004; ESCOBAR CAJAMARCA, 2013).

D’autre part, travailler sur des pratiques permet d’envisager des actions qui obéissent à « une logique qui s’effectue directement dans la gymnastique corporelle » (BOURDIEU, 1994) et d’entrevoir ainsi des formes de résistance qui ne passent pas nécessairement par le discours et/ou par une conceptualisation. Il s’agira dès lors de confronter différentes méthodes issues des sciences sociales (pratiques de « terrain », analyse d’archives, fouilles archéologiques, etc.) et de réfléchir au positionnement du chercheur par rapport à son objet d’étude pour comprendre comment et jusqu’où la recherche permet de restituer la logique, la signification, des pratiques évoquées.

    À partir de ces deux grands enjeux et du large cadre géographique et chronologique choisi par le laboratoire – l’Amérique latine et les Caraïbes, de la période coloniale au temps présent – les communications pourront aborder les rapports de pouvoir sous différents angles. Citons par exemple, les relations de travail ou la construction et réappropriation des normes de genre, de race, et de classe. Enfin, associé jusqu’à l’excès à une exceptionnalité latino-américaine et caribéenne, le métissage est un phénomène culturel ayant fait l’objet d’une surabondance de discours, valorisant ou dénigrant ses manifestations corporelles. L’intensité des débats et des approches théoriques à ce sujet pourra être analysée dans la production littéraire, par exemple à propos des nombreuses relectures de The Tempest de William Shakespeare en Amérique latine et dans les Caraïbes (JÁUREGUI, 2008), à partir du célèbre Ariel de Rodó, jusqu’aux aux appropriations féministes comme celle de Gloria Anzaldúa dans The New Mestiza, en passant par Calibán de Roberto Fernández Retamar (ou Une tempête d’Aimé Césaire); la question est également abordée dans l’oeuvre des célèbres critiques littéraires Antonio Cornejo Polar et Ángel Rama . Elle prend chez eux la forme de concepts tels que heterogeneidad (CORNEJO POLAR, 1994) ou transculturación (RAMA, 1984).  La question du métissage pourra également être étudiée dans le domaine artistique et dans les sciences sociales.

Programme :

10h-17h, Salle du conseil, Bâtiment Tertre, Université de Nantes.

10h : Introduction
10h15 -11h35 : « Approches historiques : Des Aztèques aux Habsbourg : les mises en scène du
corps souverain »
Modération: Frédéric SPILLEMAEKER, Université de Nantes, EIRALC
Loïc VAUZELLE, EPHE : « Corps et langage des parures dans le Mexique Central aux XVe et XVIe
siècles »
Alejandro WANG ROMERO, Universidad de Sevilla : “ Los dos cuerpos del rey : ausencia y simulacro
del rey bajo los Austrias”
11h35-12h55 : « Etudes anthropologiques : les pratiques corporelles et la construction des
appartenances »
Modération : Laura LEMA SILVA, Université Lumière Lyon 2 Institut des Amériques, EIRALC
Daphné BEDINADE, EHESS : « Le « naturel » et la valorisation d’une beauté noire : Construction
d’une pratique de transformation corporelle »
Maureen BURNOT, Université Lumière Lyon 2 : « Incrustations d'amulettes et tatouages dans le culte
à San la Muerte en Argentine : le corps comme allégorie de la foi et ressource d'affirmation »
12h55- 14h45 : Pause déjeuner
14h45-16h05 : « Perspectives croisées : Les corps à l’épreuve des violences politiques
contemporaines »
Modération : Silyane LARCHER, CNRS
Sergio COTO-RIVEL, Université de Nantes, « La machine à tuer. Corps, violence et subjectivité dans
deux romans de l’écrivain salvadorien Horacio Castellanos Moya »
Elena DE OLIVEIRA SCHUCK, Universidade Federal do Rio Grande do Sul (UFRGS) et Centre de
Recherche Politique de Sciences Po Paris (CEVIPOF) : “Une relation perverse entre la police militaire
et les mouvements féministes à Porto Alegre, Brésil”
16h05-16h35 : Conclusions : Silyane LARCHER, CNRS
Contacts :
LE MOUËL Aanor, Université de Nantes, STARACO : aanor.le-mouel@etu.univ-nantes.fr
SPILLEMAEKER Frédéric, Université de Nantes, ED SCE, CRHIA, EIRALC : fspillemaeker@gmail.com

Programme :