Présentation du texte : L’avis d’un «parfais négociant» sur la traite négrière, Jacques Savary (1675)

Présentation :
L’avis d’un «parfais négociant» sur la traite négrière, Jacques Savary  (1675)

 

Jacques Savary (1622-1690), est un financier et économiste français. En 1858, il met fin à sa carrière de négociant pour devenir fermier général, c'est-à-dire le gestionnaire d'une ferme générale soit une compagnie financière chargée de récolter certains impôts au nom du Roi de France. En 1670, il est nommé par Colbert au Conseil des réformes pour le commerce. Son ouvrage Le parfait négociant publié en 1675 est traduit en anglais, en néerlandais, en allemand ainsi qu'en italien. Celui-ci est plusieurs fois réimprimé jusqu'en 1800. Cet ouvrage fait durant près d'un siècle et demi référence dans le domaine de la négociation et du commerce international.

En 1642, Louis XIII autorise ses sujets à pratiquer la traite négrière, la Ier expédition officielle part de La Rochelle l'année suivante. En 1670, Colbert accorde la liberté de commerce avec les îles américaines. C'est dans ce contexte de renforcement de la législation commerciale entre colonies et métropoles et de développement de la traite négrière par la France que Jacques Savary rédige et publie Le parfait négociant. Dans cet ouvrage il aborde entre autre : les sociétés et les grandes compagnies privilégiées, la faillite, les poids et mesures, la comptabilité, les juridictions consulaires, le droit du travail, les marchés ainsi que les marchandises associées, pour l'extrait présent les esclaves africains.

Même après la controverse de Valladolid (1550-1551) ayant jugé les Africains propres à être déporté pour servir d'esclave dans les colonies espagnoles, le trafic d'être humain pose de nombreuses questions morales aux contemporains. Jacques Savary commence d'ailleurs son paragraphe consacré au commerce d'esclavage par une justification de l'horreur de la situation par l'altruisme dissimulé du rachat de captif africain : leur proposer un sort plus doux dans les colonies que sur le territoire africain. Les violences y seraient moins grandes et surtout le contact avec la civilisation chrétienne sauverai leurs âmes. Cet argument ouvre très souvent les argumentaires en faveur du système d'exploitation esclavagiste et de la traite qui l'alimente. Les principes de fraternité et d'amour universel portés par le christianisme s'alliant mal aisément  avec la pratique de l'esclavage et du commerce d'être humain.

L'ouvrage parait au début de l'essor du commerce triangulaire en France. Les conseils de Jacques Savary, précèdent et sûrement influencent les réglementations législatives qui encadreront le traitement ou plutôt les mauvais traitements des esclaves durant la traversée de l'Atlantique et une fois aux colonies. Le second paragraphe de l'extrait, souligne la difficulté du transport d'une marchandise humaine, comme pour le blé ou le sucre Savary propose des moyens de « conservation de la marchandise ». Il est vrai que les tentatives de fuites ou de suicides sont souvent relatées dans les journaux de bords ou la correspondance  des négociants, des amateurs ou encore des navigateurs directement en contact avec les esclaves. L'argument principale au bon traitement des esclaves n'est pas comme pour justifier leur servitude une forme alambiquée de charité chrétienne, mais bien l'objectif pragmatique de préserver la « marchandise » pour la vendre au meilleur prix. Si cet ouvrage a fortement influencé les pratiques commerciales, pour ce qui est du transport des esclaves africains les armateurs choisiront plutôt de les ferrer à fond de cale afin d'éviter les tentatives de suicide, d'évasion ou l'automutilation que les chants et les danses.

 

 

La controverse de Valladolid (1550-1551) : est un débat voulu par Charles Quint, roi d'Espagne, réunissant théologiens, juristes et administrateurs du royaume afin de définir la manière dont devait se dérouler la conquête du Nouveau Monde dans le respect des valeurs de la chrétienté. Elle est surtout connue pour le débat opposant le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda sur la question de la légitimité de la mise en esclavage des Amérindiens. Elle conclut à une égalité de statut entre les Amérindiens et les Européens (Blancs), mais ne conteste pas l’esclavage des Africains (Noirs). Charles Quin se servira des conclusions de ce débat pour légitimer la déportation de captifs africains vers les colonies d’exploitation du Nouveau Monde.