Présentation du texte : Henri Grégoire dit l'abbé Grégoire réfute la thèse de la servilité naturelle des Noirs (1808)

Présentation :
Henri Grégoire dit l'abbé Grégoire réfute la thèse de la servilité naturelle des Noirs (1808)

 

Henri Jean-Baptiste Grégoire (1750-1831) dit l'abbé Grégoire est un ecclésiastique catholique et un homme politique français. Député de la constituante puis de la convention, il s'illustre particulièrement durant la Révolution française où il se rallie au Tiers-Etats. Durant la période révolutionnaire et jusqu'à sa mort, il défend entre autre, le suffrage universel, l'abolition total des privilèges ainsi que celle de l'esclavage. Opposant de la première et de la dernière heure à Napoléon Bonaparte qui rétablie l'esclavage dans les colonies françaises en 1802. Il rédige de nombreux ouvrages notamment en faveur de l'abolition de la traite et de l'esclavage.

Quand parait en 1808, De la littérature des nègres, ou Recherches sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités morales et leur littérature ; suivies de Notices sur la vie et les ouvrages des Nègres qui se sont distingués dans les Sciences, les Lettres et les Arts, l’Angleterre a interdit depuis moins d’un an à ses sujet de pratiquer la traite atlantique. En partie grâce à la pression des insurgés de Saint-Domingue, l’esclavage avait été aboli en 1794 dans les colonies françaises. Il est rétabli par Napoléon Bonaparte en 1802 après un envoi de troupes pour rétablir l’ordre dans l’île. Les troupes françaises sont chassées par les insurgés et Saint-Domingue se proclame indépendante sous le nom d’Haïti en 1804.

Même si la Révolution française a ancré le droit naturel des êtres humains à naître et demeurer libre, les abolitionnistes rencontrent des difficultés pour démanteler le système d'exploitation esclavagiste des empires européens. En s’appuyant sur de nombreux auteurs Henri Grégoire fait un tour d’horizon des argumentaires esclavagistes de son époque. Ceux issus de discours moraux et religieux marginalisant et infériorisant les cultures africaines et ceux issus de discours médicaux et zoologie classant les Africains en bas, voir en marge du classement hiérarchisé des différents types humains identifiés par les Européens. Les deux cohabitant souvent dans les argumentaires pro-traites et esclavages.

Dans le premier paragraphe de l'extrait proposé, non sans humour, Henri Grégoire se positionne en faveur de l'humanité comme une seule et même espèce avec deux variétés extrêmes du point de vue physiologique : la variété blanche et la variété noire. À noter qu'il accepte toutes les nuances dues aux brassages des populations possibles et intermédiaires de ses deux variétés, là où la question du métissage et surtout du statut du métisse pose de nombreux problèmes à la pensée racialiste européenne cherchant à hiérarchiser l'humanité. Les cheveux crépus des africains étant un caractère stigmatisant souvent évoqué pour justifier l'infériorité. L’auteur tourne en dérision ce stigmate, par l’évocation des cheveux bouclés, « laineux », d’une partie de la population européenne.

Le second paragraphe est assez représentatif des argumentaires se développant autour des nouvelles découvertes scientifiques, ici l’étude des crânes (phrénologie). Henri Grégoire écrit à une période où la découverte et les nouveautés en termes d’études zoologiques et médicales sont nombreuses. Les différents camps s’appuyant sur telle ou telle nouvelle observation dans leurs argumentaires. Par exemple, la taille de crâne comme baromètre de l’intelligence est réfutée par l’auteur, cependant il en viendra d’autre prenant en compte l’angle, la densité ou le poids du cerveau. 

Dans le troisième paragraphe, Henri Grégoire s'attaque à l'un des préjugés sûrement les plus utilisés depuis le début du trafic négrier pour justifier la servitude et les violences associées sur les populations africaines : leur présumé indolence, mollesse ou fainéantise naturelles. L'auteur rappelle que les défenseurs de cette thèse sont ceux qui portent le fouet. L'idée qu'un travailleur libre est plus rentable et productif qu'un esclave se développe de plus en plus sous la plume des économistes et particulièrement des libéraux anglo-saxons.

La constituante ou assemblée constituante est fondée en 1789 par les députés des Etats généraux afin de doter la monarchie française d’une constitution.

La convention est le nom donné à l’assemblée constituante gouvernant la France entre le 21 septembre 1792 et le 26 octobre 1795 durant la période révolutionnaire française.